Pour le meilleur et pour le pire, la valeur de notre monnaie (l’euro) fluctue dans le temps par rapport à celles des devises (les monnaies des autres Etats ou zones monétaires). Mais pourquoi diable certaines devises ont-elles plus de valeur que d’autres ?
On peut apporter une réponse juste et lapidaire : parce qu’elles sont plus demandées que les autres.
Certes… Mais encore ?
Voici les 8 raisons principales qui font évoluer la valeur des devises les unes par rapport aux autres, c’est-à-dire leurs taux de change, ou taux de conversation.
1. Cours de l’euro et balance des paiements (définition)
Vous avez déjà entendu parler de balance commerciale, d’investissements directs étrangers et d’autres notions de comptabilité nationale de ce genre ? Tout cela rentre dans le cadre de la balance des paiements. Par « paiements », il faut comprendre tous les flux de biens, services, revenus, transferts de capitaux, et les flux financiers que les agents économiques d’une économie dans leur ensemble (particuliers, entreprises et État) entretiennent avec le reste du monde. Cette balance est un flux annuel qui est soit excédentaire, soit déficitaire.
Vient ensuite le stock que les statisticiens appellent la dette extérieure nette, c’est-à-dire l’ensemble des dettes qui sont dues par une économie aux prêteurs étrangers, une fois retranchées les créances de cette économie vis-à-vis de l’étranger.
Lorsqu’un pays présente un important déficit de sa balance des paiements, cela signifie qu’il dépense beaucoup plus de devises qu’il n’en récolte. Cela tend à déprécier sa monnaie vis-à-vis des devises par rapport auxquelles il est déficitaire (et inversement).
Voilà pourquoi vous entendez souvent les économistes rappeler qu’il est très dangereux pour une économie d’entretenir un déficit chronique de sa balance des paiements. Longtemps l’euro a eu une balance des paiements excédentaire. A la défaveur de la crise énergétique, la situation s’est inversée.
2. Taux de change et taux d’intérêt
Mettons-nous à la place d’un épargnant, d’une entreprise ou d’un investisseur institutionnel qui a une importante somme d’argent à placer et qui a accès au marché mondial. Afin de diversifier ses avoirs, ce dernier ne va pas conserver toute sa trésorerie dans sa monnaie nationale. Il va en placer une partie en devises, et la question de la rémunération de cette épargne va entrer en considération. Celle-ci correspond au taux d’intérêt qui va être servi sur les marchés monétaire et obligataire souverains à l’instant t.
L’écart de rémunération entre deux titres de même maturité s’appelle le spread de taux. Pour faire court, un taux d’intérêt élevé est plus aguichant qu’un taux d’intérêt faible. Cela n’est pas sans conséquence sur les taux de change puisque les capitaux vont tendre à se diriger vers les pays qui offrent les taux d’intérêt les plus élevés. Et plus le spread de taux entre deux économies est élevé, plus le taux de change de leurs monnaies tend à se distordre.
3. Le taux d’inflation en zones euro et dollar et la conversion USD EUR
Lorsque le taux d’inflation d’une économie augmente, le pouvoir d’achat de sa monnaie diminue. Rien que de très logique, mais quid du taux de change des devises de deux économies inflationnistes ? La valeur de la devise la plus inflationniste tend à baisser par rapport à celle de la devise la moins inflationniste, tout simplement. On est ici dans le relatif. Par exemple, le taux de change de l’euro tend à baisser face au dollar lorsque l’inflation est plus élevée en zone euro qu’aux Etats-Unis.
Soulignons qu’il faut donc distinguer la question de l’inflation de la question du taux de change. Ces deux notions n’ont rien à voir, même si elles s’influencent l’une l’autre.
4. La politique budgétaire et monétaire
Le policy-mix des autorités publiques a un impact sur la balance des paiements ainsi que l’inflation, donc sur les taux de change de la monnaie domestique. Les politiques budgétaires et monétaires expansionnistes tendent à dévaluer la monnaie, alors que les politiques restrictives tendent à avoir l’effet inverse.
5. Taux de change et spéculation
Elle a un effet sur les taux de change à court terme. Au travers des attaques spéculatives (à la hausse ou à la baisse) menées sur une devise donnée, la spéculation vise à accélérer des évolutions que le marché estime vouées à se produire.
6. Les interventions officielles sur le marché des changes
Ces interventions constituent la dernière ligne de défense d’une économie pour défendre son objectif de taux de change. En pratique, la banque centrale achète ou vend des devises en grande quantité (dans la mesure de ses réserves) pour défendre l’objectif de taux de change fixé par le gouvernement.
7. Taux de change et santé économique d’un pays
A long terme, la bonne santé économique d’un pays soutient le taux de change de la monnaie locale. Il n’y a qu’à se tourner du côté de la Suisse pour en être convaincu.
Voilà donc les 7 principaux facteurs déterminants du taux de change. La moindre nouvelle à caractère politique ou économique ayant un impact sur les taux de change, on pourrait bien sûr poursuivre cette liste ad libitum.
8. Le statut de monnaie de réserve (officiel ou historique)
Last but not least, il faut évoquer le statut de monnaie de réserve mondiale et de monnaie de règlement dans le cadre du commerce international.
A cet égard, le dollar US reste à ce jour dominant, pour ne pas dire hégémonique. Cela assure aux Etats-Unis le privilège (« exorbitant ») d’une demande dont il est encore très difficile de se passer.
Il ne faut pas confondre force relative des devises et pouvoir d’achat de la monnaie !
Vous l’aurez compris, la valeur d’une monnaie par rapport à celle des autres pays est le résultat des combinaisons relatives de ces différents facteurs entre un pays A et d’autres pays. C’est ainsi que sont déterminés les taux de change.
Il est très important cependant de faire la distinction entre la « force d’une monnaie » en termes de pouvoir d’achat de biens et services (son pouvoir d’achat), et la « force d’une monnaie » relativement aux autres devises.
En effet, le pouvoir d’achat d’une monnaie évolue à la hausse ou à la baisse (comme c’est le cas l’extrême majorité du temps) en fonction de l’inflation des prix à la consommation (IPC) telle que calculée par les différents instituts statistiques nationaux. Depuis 2021, la plupart des devises ont perdu beaucoup de pouvoir d’achat suite au grand retour de l’inflation.
Ceci dit, les pouvoirs d’achat de toutes les devises peuvent s’effondrer en même temps sous l’effet d’une inflation généralisée au niveau mondial sans que cela n’empêche les taux de change des devises de continuer de fluctuer les uns par rapport aux autres, et ce jusqu’à conduire une devise à dominer les autres.
Et à ce petit jeu-là, en 2022, c’est le dollar US qui a gagné. La devise américaine a atteint son niveau le plus élevé depuis une dizaine d’années face aux autres devises… alors même que le taux d’inflation sur 1 an glissant aux Etats-Unis a fait un pic à 8,2% !
Ainsi certaines devises peuvent servir de valeur refuge alors même que leur économie subit un taux d’inflation élevé. Cela s’explique par le fait que le marché considère que leurs fondamentaux sont globalement moins détériorés que ceux des autres devises.