L’effondrement d’une monnaie n’est pas que l’apanage des États dits « économiquement instables ». Aucun pays n’est à l’abri de voir sa monnaie dévaluée. La France en est un très bon exemple. Remontons le temps jusqu’au début du XXe siècle pour observer comment la valeur de la monnaie s’est effondrée dans l’Hexagone. Sur cette même période, l’or, quant à elle, a connu une forte croissance.
En 1912, 100 francs équivalent à 250 kilos de pain
Afin de se rendre compte de l’évolution de la valeur de la monnaie papier en France, prenons comme référence le billet de banque de 100 francs (franc dit germinal) du début du XXe siècle. En 1912, ces 100 francs étaient l’équivalent de 10 jours de salaire. Ils permettaient alors d’acheter quelque 250 kg de pain.
…ou l’équivalent de 5 francs Napoléon ou de 500g d’argent
En métaux précieux, cette somme équivalait à 5 pièces d’or de 20 francs « Napoléon » (soit 32,25 g d’or) ou encore 20 pièces de 5 francs argent écu (soit 500 g d’argent).
Alors, comment a évolué la valeur de ce billet de 100 francs Gerson (du nom de son inventeur) au fil du siècle ? Qu’est-il possible d’acheter avec l’équivalent de sa valeur aujourd’hui ?
En 1928, une première dévaluation brutale de la monnaie papier
Dans les années 20, la France traverse une crise politique et économique intense. La Première Guerre mondiale a laissé des traces… et beaucoup de dettes. Les Anglais et les Américains stoppent net tout crédit à la France et souhaitent récupérer leurs créances.
La dette a un impact sur la cotation de notre monnaie en interne et au niveau mondiale
Alors que le cartel des gauches, une coalition entre socialistes et radicaux, est au pouvoir depuis 1924, la dette colossale entraîne le pays dans une crise monétaire inévitable : l’État est au bord de la faillite. Le président Raymond Poincaré est rappelé au pouvoir après l’éclatement du cartel en 1926 et prend le taureau par les cornes afin de remettre l’économie sur de bons rails.
Pour rattraper l’inflation et contrer la déflation, il dévalue sévèrement le franc en juin 1928 avec un fort impact sur les prix et la cotation de notre monnaie. La valeur de la monnaie papier se voit ainsi divisée par cinq ! Notre fameux billet de banque de 100 francs perd près de 80% de sa valeur et équivaut désormais à seulement 6,55 g (contre 32,25 g en 1912). Ainsi, les pièces d’or et d’argent sont purement et simplement démonétisées et retirées de la circulation.
A partir de 1936, la dévaluation de la monnaie française continue, encore et encore
Dans les années 30, la valeur de la monnaie papier, brièvement stabilisée par le franc Poincaré, se retrouve surévaluée. Or, une monnaie trop forte est délétère pour une économie : les exportations du pays sont en chute libre. Afin de sauver l’économie française, encore une fois, le franc est à nouveau dévalué.
En 1936, 100 francs ne permettent plus que d’acheter 4,5 g d’or, et plus que 2,3 g en 1940, alors que la France est entrée dans la Seconde Guerre mondiale. La même somme permet d’acheter 117 fois moins d’or qu’en 1912. La monnaie papier a ainsi perdu encore la moitié de sa valeur.
Les choses ne s’arrangent pas à la sortie de la guerre. Deux jours après le débarquement allié et afin d’empêcher les Américains d’instaurer des « billets drapeaux » sur le territoire français et de prendre en charge l’administration du pays, le gouvernement provisoire indique que tout ce qui a été monétairement émis sans son autorisation n’a aucune valeur. En juin 1945, les vieilles coupures de 50 à 5000 francs doivent être échangées contre de nouveaux billets de banque en seulement douze jours. Une opération d’échange sans précédent qui conduit à l’avènement d’un nouveau billet de banque de 100 francs dit « Jeune paysan » qui, sitôt imprimé, ne tarde pas à lui aussi être évalué.
En 1958, l’arrivée du nouveau franc fait encore baisser la valeur monétaire
De nouveau au pouvoir à partir de 1958, le général De Gaulle procède à une nouvelle dévaluation de 17,55 % de la monnaie. Il demande qu’un nouveau franc lourd soit créé : le franc est en mauvaise posture, il est même sous tutelle du FMI. En décembre 1958, une ordonnance instaure alors la nouvelle monnaie papier qui voit le jour le 1 janvier 1960. Désormais, les anciens 100 francs valent… 1 franc et représentent à peine 160 mg d’or. La monnaie papier connaît encore deux dévaluations, en 1969 puis dans les années 80.
En 2002, 100 francs ne valent plus 15 centimes d’euro
Après pas moins de 17 dévaluations du franc au cours du XXe siècle, une nouvelle monnaie papier voit le jour dix ans après la signature du Traité de Maastricht le 1er janvier 2002 : l’euro. Derrière le lancement de cette monnaie européenne commune, une nouvelle dévaluation s’opère alors : 1 « nouveau franc » de 1958 vaut alors… 15 centimes d’euro. Pas même un euro symbolique. On peut donc apprécier, sans calcul aucun, que cette petite somme, qui représentait 100 francs 90 ans plus tôt, ne permet guère plus d’acheter 250 kg de pain… ni même la moitié d’une baguette.
Et si cette monnaie papier avait été convertie en or ?
La chute de la valeur de la monnaie papier de 1912 à nos jours est donc colossale, due aux dévaluations successives. Mais si, en 1912, notre billet de banque de 100 francs, qui permettait alors d’acheter 250 kg de pain, avait été échangé contre de l’or, quelle valeur aurait-il aujourd’hui ?
Les 100 francs de l’époque équivalaient à 5 pièces de 20 francs « Napoléon », soit 32,25 g. A ce jour, ils vaudraient donc environ 1780 € (au cours de l’or actuel), ce qui permettrait d’acheter beaucoup de baguettes de pain.
Le billet de banque, s’il avait été échangé à l’époque contre de l’argent, aurait été converti en 20 pièces de 5 francs argent écu. Il vaudrait donc environ 410 € (au cours de l’argent actuel) aujourd’hui.
Posséder de l’or aurait ici permis d’éviter de diviser son capital de départ par 10 000.
L’or, la véritable réserve de valeur face à une monnaie qui vaut inexorablement de moins en moins
À titre indicatif, d’après des tablettes d’argile datant de l’Égypte antique répertoriant des comptes d’échange de marchandises, en 1 458 av. J.-C., un peu moins de deux onces d’or permettaient d’acheter un bœuf… Et c’est toujours le cas aujourd’hui, 3 500 ans plus tard. La preuve, s’il en fallait, qu’acheter de l’or ou de l’argent permet donc de se protéger d’un éventuel effondrement de la valeur de la monnaie papier.