L’histoire des réserves d’or de chaque banque centrale est faite d’informations officielles et de secrets d’État encore non dévoilés. La Banque de France n’échappe pas à la règle !
Ce qu’il faut retenir :
- Entre 1803 et septembre 2024, l’encaisse or de la Banque de France est passée de 310 kilos à 2436,9 tonnes ;
- Le sommet historique a été atteint en 1933, avec 4770 tonnes d’or. Les réserves d’or que détient aujourd’hui la Banque de France ont essentiellement été constituées entre 1957 et 1966.
- Entre 2004 et 2009, la France s’est « mystérieusement » séparée de près de 20% de ses réserves d’or…
Quelle est l’histoire de la Banque de France, en quelques mots ?
La Banque de France a été fondée le 18 janvier 1800 sous le Consulat par Napoléon 1er.
Initialement privée, cette institution a été nationalisée le 1er janvier 1946 par Charles de Gaulle.
En 1994, elle devient indépendante de l’État, et rejoint l’Eurosystème en 1999.
Quelle a été l’évolution du stock d’or de la Banque de France, depuis 1803 ?
Voici la réponse sur un seul et même graphique, que j’ai pu construire sur la base d’une série statistique que m’a aimablement communiquée le service presse de la Banque de France. Je l’ai complétée grâce aux chiffres du Conseil mondial de l’or pour les années 2020 et suivantes.
La première chose qui frappe lorsqu’on regarde ce graphique, c’est à quel point les réserves d’or de la Banque de France ont tendanciellement augmenté jusqu’en 1933, avec de faire des zigs et des zags.
Voyons comment cela s’explique…
Pour quelles raisons les réserves d’or de la Banque de France ont-elles évolué dans le temps ?
La Banque de France a vu ses réserves d’or augmenter avec le passage du bimétallisme au monométallisme, au tournant des années 1870
Jusque dans les années 1870, les réserves d’or de la Banque de France sont relativement faibles. La barre des 100 tonnes d’or est franchie en 1866.
Puis les stocks d’or commencent à augmenter suite au passage du bimétallisme (étalon argent + or) au monométallisme (étalon-or) au sein de l’Union latine dans les années 1870(avec un record temporaire à 411,65 tonnes d’or en 1876).
C’est l’adoption de ce système monétaire qui a poussé les banques centrales des pays l’ayant adopté à constituer des réserves d’or officielles.
L’or de la France durant la Première Guerre mondiale
Lorsque la France entre dans la Première Guerre mondiale en 1914, la Banque de France détient 1126,39 tonnes d’or.
Sous un régime d’étalon-or, c’est le métal jaune qui est le nerf de la guerre. Le Gouvernement fait donc appel aux Français à plusieurs reprises afin qu’ils apportent leur or à la Banque de France. Entre novembre 1915 et octobre 1918, la France a lancé quatre emprunts nationaux.
Ces appels ont eu un certain succès, puisque l’encaisse or de la Banque de France atteint plus de 1611 tonnes en 1919. Il faut dire qu’en temps, le Gouvernent a suspendu la convertibilité des billets en pièces d’or, alors qu’il s’agit d’un principe cardinal de l’étalon-or. La Grande Guerre a conduit les pouvoirs publics à imposer d’autres restrictions : l’interdiction d’exporter de l’or (1915), l’interdiction d’échanger de l’or au-dessus du cours légal (1916) et l’interdiction de la refonte des pièces d’or (1919).
Les réserves d’or de la Banque de France atteignent un sommet au début de la crise de 1929
En 1933, le stock d’or de la Banque de France atteint un sommet à près de 4770 tonnes, pendant la période du franc Poincaré.
Comme l’explique Thi Hong Van Hoang[1] : « Durant les premières années de la crise financière de 1929, la France a été perçue comme un “havre de prospérité” quand les impacts de la crise étaient encore atténués. L’afflux des capitaux en France a entraîné une hausse importante des réserves or de la Banque de France durant cette période. »
Puis c’est la débandade.
La chute des réserves d’or de la Banque de France entre 1933 et 1949
Comme l’écrit Hoang : « En 1935, un an avant la dissolution du franc Poincaré et la fin définitive de l’étalon-or en France, l’encaisse or de la Banque de France se maintient à un niveau très élevé de près de 3900 tonnes. Cependant, en 1936, les conséquences de la crise financière de 1929 plus visibles en France font fuir les capitaux […]. »
Fin 1938, 9 mois avant que l’Allemagne n’envahisse la Pologne, l’encaisse or de la Banque de France ne se monte plus qu’à 2169 tonnes.
La Seconde Guerre mondiale est une véritable saignée pour les réserves de la Banque de France. À la Libération, la France ne dispose plus que de 1375 tonnes d’or (fin 1945).
Exsangue durant les premières années de l’après-Guerre, la France voit ses réserves d’or fondre jusqu’à 394 tonnes en 1949.
La hausse des réserves d’or de la Banque de France sous l’ère des Accords de Bretton Woods
Cependant, la France est condamnée à augmenter le montant de ses réserves pour respecter les Accords de Bretton Woods, ce qui explique que l’encaisse or de la Banque de France soit en constante augmentation au début des années 1950.
Puis, en 1961, la création du Pool de l’or de Londres conduit à l’explosion des réserves d’or de la Banque de France qui atteignent leur plus haut historique en 1966, à 4654 tonnes[2], juste avant que la France ne décide de se retirer du Pool en juin 1967.
Comme l’explique Hoang : « Cet événement, ainsi que la création du double marché [de l’or] en 1968, ont pour effet de réduire la quantité d’or thésaurisé par la Banque de France. »
Entre 1968 et 1979, les réserves d’or de la Banque de France passent de 3445 tonnes à 3172 tonnes.
Le stock d’or de la Banque de France à l’ère des changes flottants
Entre temps, l’entrée en vigueur du 2e amendement aux statuts du FMI le 1er avril 1978 a totalement démonétisé l’or et l’a remplacé au sein du système international par les Droits de tirage spéciaux (DTS).
La France, l’Europe et l’or
En 1979, la France dépose 624 tonnes d’or auprès du FECOM (Fonds Européen de Coopération Monétaire), soit de 20% de ses réserves officielles brutes en or et en dollars, dans le cadre de la création de l’ECU et du Système monétaire européen en 1979.
La France récupère cet or en 1997, 2 ans avant le lancement de l’euro, d’où la ligne en pointillés sur le graphique des réserves d’or de la Banque de France.
En janvier 1999, la Banque de France transfère 160 tonnes d’or à la BCE, dans le cadre de la création de l’euro, ce qui fait chuter ses réserves d’or de 3184 tonnes à 3024 tonnes.
Les ventes d’or de la France entre 2004 et 2009
Quelques temps auparavant, d’autres banques centrales se lancent dans de grandes ventes non coordonnées de métal jaune. La chute du cours de l’once qui s’ensuit met certains pays producteurs d’or (parmi lesquels de nombreux pays pauvres très endettés) en très mauvaise posture.
C’est pourquoi, le 26 septembre 1999, 15 des plus grandes banques mondiales signent le Central Gold Bank Agreement (CBGA), lors du meeting annuel du FMI à Washington. Cet Accord de Washington sur l’or, qui engagent la France, réglementent les ventes d’or des banques centrales signataires pour une durée de 5 ans. Reconduit à plusieurs reprises, il prend fin en septembre 2019.
Entre temps, entre 2004 et 2009, Nicolas Sarkozy (ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie du gouvernement Raffarin) et Christian Noyer (gouverneur de la Banque de France) cèdent 550 tonnes de métal (soit -19,5% des réserves officielles).
L’or officiel de l’État français, à peu près stable depuis 2009
Combien de tonnes d’or possède la France ?
Entre 2009 et 2019, les réserves d’or de la Banque de France restent stables à 2435 tonnes.
Elles ont augmenté d’un peu plus d’une tonne en 2020. Depuis lors, elles n’ont évolué que de quelques centaines de grammes par an pour se porter à 2436,90 tonnes (soit 78 millions d’onces) à septembre 2024.
Quel pays a le plus grand stock d’or en 2024 ?
Les réserves par pays
Cela fait de la France le 4e pays le plus doté en or, derrière les États-Unis, l’Allemagne et l’Italie.
Quelle est la valeur du stock d’or de la France ?
Ces avoirs figurent en première ligne de l’actif du bilan de la Banque de France.
Les avoirs et engagements en or de la Banque de France sont réévalués aux cours de référence relevés par la Banque centrale européenne au 31 décembre, d’où une valorisation de 146,345 Mds€.
Où l’or de la France est-il passé, stocké ?
La Souterraine et le stock d’or des Français
Selon une déclaration de la Banque de France de 2013, la Souterraine, cette légendaire cave blindée d’1 hectare construite entre 1924 et 1927, abritait 91% de nos réserves d’or, 9% restant alors détenus à l’étranger.
Cependant, selon l’analyste néerlandais Jan Nieuwenhuijs, la Banque de France aurait rapatrié à Paris, entre 2013 et 2016, les 221 dernières tonnes d’or de sa réserve qui étaient encore stockées à l’étranger.
Notre métal se situerait donc désormais dans son intégralité à 27 mètres sous terre (soit 40 mètres au-dessous de l’auditorium suspendu, pour les familiers des lieux) dans le sous-sol de l’hôtel de Toulouse, rue La Vrillière, dans le 1er arrondissement de Paris.
[1] Thi Hong Van Hoang, « La thésaurisation de l’or en France depuis 1914 : d’une thésaurisation monétaire à une thésaurisation refuge », Revue numismatique, n°168, 2012.
[2] C’est l’époque où le président de Gaulle envoyait régulièrement la Marine française outre-Atlantique les cales remplies de dollars, pour en revenir les cales chargées de lingots, dans le cadre de la conversion des dollars excédentaires du pays. Les réserves d’or que détient aujourd’hui la Banque de France ont ainsi essentiellement été constituées entre 1957 et 1966.