« Versez votre or ». Vous avez peut-être ces affiches de 1915 en tête. Placardées dans les villages de France pendant la Première Guerre mondiale, elles incitaient les particuliers à donner leurs pièces d’or à l’État afin de soutenir l’effort de guerre.
Le métal précieux tient en fait un rôle particulier dans un contexte de guerre. C’est une valeur refuge pour les particuliers comme pour les banques centrales. Il s’agit aussi d’un élément indispensable pour financer les conflits… comme pour se prémunir de leurs conséquences. L’Académie AuCOFFRE se plonge dans l’Histoire et décrypte la place de l’or dans la guerre.
Pourquoi les pays accroissent leurs stocks d’or lorsque la guerre menace ?
En période de crise économique ou géopolitique, il arrive régulièrement que les Banques centrales achètent de l’or pour augmenter leurs stocks. C’est aussi le cas lorsque la guerre menace. Cette stratégie s’explique de plusieurs manières.
Équilibrer les réserves monétaires du pays
Le rôle d’une Banque centrale ne se limite pas à l’émission de la monnaie. L’institution est aussi chargée de contrôler la masse monétaire et d’assurer une stabilité des prix. Autrement dit, elle garantit la bonne santé monétaire du pays. Et comme tout bon investisseur, une Banque centrale ne met pas tous ses œufs dans le même panier. Ainsi, les réserves monétaires d’un pays contiennent des devises (celles du pays : des dollars, des euros…), des créances, des avoirs… et de l’or. En France par exemple, les réserves de change sont constituées à près de 73 % d’or (chiffres mars 2025).
Cet or permet de protéger le pays contre une forte inflation ou une dévaluation monétaire, qui sont souvent le corollaire des conflits. Plusieurs pays ont appliqué cette mesure de protection ces dernières années. La Pologne, par exemple, était le plus gros acheteur d’or en 2024. Et depuis 2022, la République tchèque a multiplié par 5 ses réserves en métal précieux.
Bon à savoir : L’or est aussi une valeur à protéger… en cas d’invasion. Au début de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs pays d’Europe menacés par l’Allemagne ont ainsi mis leurs stocks à l’abri. La France, la Norvège, la Belgique et la Pologne notamment ont évacué leur or vers les États-Unis, Londres ou encore Casablanca.
Réduire sa dépendance au dollar
Certaines monnaies figurent parmi les plus négociées et les plus recherchées. C’est le cas du dollar et de l’euro. Dans de nombreux pays, vous pouvez vous sortir d’un mauvais pas si vous disposez de quelques billets. Mais est-ce que ce sera toujours le cas ? Depuis 2021, la part du dollar dans les réserves de change a tendance à baisser selon des chiffres du World Gold Council. Une enquête publiée par le WGC en mai 2023 montrait notamment que la part du billet vert pourrait reculer jusqu’à 40 ou 50 % dans les réserves de devises. On est loin des 60 % et plus, affichés entre 2010 et 2020. La Chine fait ainsi partie des pays qui dédollarise ses réserves au profil du métal précieux.
Se protéger contre de potentielles sanctions internationales
Le cas de la Russie est révélateur. Moscou possède la 5e réserve mondiale en or dans le monde : 2 335,9 tonnes (chiffres 2024, World Gold Council). Surtout, le pays a augmenté ses réserves depuis 2008, avec une nette accélération à partir de 2018. Moscou « dédollarise » ses réserves monétaires, mais se protège de sanctions, comme celles qui sont tombées après l’invasion de l’Ukraine. Si certains avoirs sont gelés à l’étranger, les réserves russes, constituées d’or et d’hydrocarbure, permettent ainsi à la Russie de contourner la finance mondiale.
Le saviez-vous ? Les États-Unis détiennent le plus important stock d’or au monde : 8 133,5 tonnes. Suivent l’Allemagne (3 351,5 t), l’Italie (2 451 t) et la France (2 436,9 t). Vous retrouverez dans cet article le classement des pays selon leurs réserves en or.
L’or physique, une protection pour les particuliers en période de guerre
Lorsque les conflits menacent, les pays sont attentifs à accroître leurs réserves d’or. Si bien que la question se pose pour les particuliers. Pourquoi ne le feraient-ils pas pour assurer leur propre sécurité financière ? Lorsqu’on se penche dans les livres d’Histoire, les exemples ne manquent pas : comment l’or a-t-il été utilisé lorsque les frontières se fermaient ou que les systèmes s’écroulaient ?
Préserver son patrimoine même lorsqu’il faut fuir le pays
Vos grands-parents vous ont peut-être déjà raconté l’histoire d’un aïeul qui fuit son pays en guerre avec des pièces d’or cousues dans un manteau. Le choix des pièces en or n’est pas anodin : il s’agit d’une véritable épargne pour assurer une survie ailleurs, et d’une valeur toujours reconnue à l’étranger alors que les devises sont dévaluées.
Il ne faut pas chercher aussi loin que la Seconde Guerre mondiale pour trouver d’autres exemples. L’un des plus récents est celui de l’Ukraine. Lorsque les familles ukrainiennes ont décidé de se mettre à l’abri, elles ont été confrontées à la dévaluation de la hryvnia. En juillet 2022, la monnaie ukrainienne a en effet été dévaluée afin d’amortir l’impact économique de la guerre avec la Russie. Or, il était plus facile d’assurer le quotidien à l’étranger pour les familles qui détenaient un patrimoine en or. Quand tout s’effondre, l’or permet de rebondir où que l’on soit dans le monde.
Le saviez-vous ? Pendant la Seconde Guerre mondiale, les pilotes de la Royal Air Force recevaient un souverain en or dans leur « kit de survie ». Ces pièces dont la valeur est universellement reconnue pouvaient leur permettre de se tirer d’un mauvais pas dans le cas où ils se retrouvaient en zone occupée.
Se prémunir d’une restriction des retraits ou d’une saisie des capitaux
Vous vous souvenez peut-être des conséquences de la crise économique à Chypre et en Grèce. En 2013, les Chypriotes ont découvert la douloureuse expérience de la limitation des retraits bancaires : 100 euros par jour. Même situation pour les Grecs en 2015 avec 60 euros par jour, ou pour les Libanais en 2019. Bien sûr, cela s’est produit dans un contexte de crise économique et bancaire. Mais comment prévoir les mesures qui seraient appliquées par un État en guerre ? Les capitaux peuvent également être gelés pour éviter une fuite des valeurs à l’étranger. Ou encore saisis afin de financer l’effort de guerre. En bref, le particulier n’a plus grand-chose pour assurer sa survie… sauf son épargne en or.
Protéger son patrimoine dans un contexte d’inflation ou de dévaluation
En cas de conflit, le Gouvernement peut décider de faire marcher la planche à billets pour injecter de la monnaie et financer les dépenses de guerre. Résultat : une monnaie qui se dévalue. Le pays peut également imposer cette dévaluation, comme cela a été le cas en Ukraine en juillet 2022. L’or, en revanche, conserve la même valeur intrinsèque : cela en fait un excellent moyen de protéger une épargne ou un patrimoine, tout en assurant son indépendance vis-à-vis du système bancaire traditionnel. Il reste une réserve de valeur stable.
Le scénario d’une guerre en Europe : pourquoi faut-il se préparer maintenant ?
Dans le cas d’une escalade militaire aux portes de l’Europe, voire d’un conflit dans lequel l’Europe s’engagerait, les impacts économiques et financiers seraient immédiats :
- Un effondrement des marchés financiers ;
- Une inflation galopante et une perte de la valeur des devises (et pas uniquement l’euro) ;
- Des restrictions bancaires : des limites sur les retraits d’espèces pour éviter un « bankrun », le contrôle des changes pour éviter la fuite de capitaux à l’étranger ;
- Des mouvements de panique financière qui mettraient en danger le système bancaire : faillite des établissements les plus exposés par exemple ;
- Des blocages avec certains partenaires financiers et une difficulté à effectuer des transactions internationales ;
- Et à plus long terme, un ralentissement de l’économie et une récession.
Il est aussi possible d’imaginer une taxation (voire une saisie) de l’épargne, une augmentation des impôts et une nationalisation de certains établissements bancaires.
Bien sûr, ces conflits (et leurs conséquences) ne peuvent être anticipés. En revanche, il est tout à fait possible d’imaginer leur impact et de prendre des mesures pour protéger son patrimoine.