En 2022 aux Etats-Unis, le député républicain Alexander Mooney a présenté, devant le Sénat américain, son projet de « Gold Standard Restoration Act » pour un retour de la convertibilité dollar-or. Il n’est pas le premier à l’évoquer. En 2010, le président de la Banque mondiale Robert Zoellick avait déclaré au G20 que les principales économies mondiales « devaient envisager d’adopter un étalon-or modifié pour orienter les taux de change ». La question revient souvent chez les économistes comme en politique. Faut-il revenir à l’étalon-or ? Mais en fait, est-ce vraiment réalisable ?
Mieux comprendre l’étalon-or : un système monétaire adossé à l’or
L’étalon-or désigne un système monétaire adossé à l’or, dans lequel l’unité monétaire (qu’il s’agisse d’un euro, d’un dollar ou d’un yuan) correspond à un poids fixe en or. La monnaie papier devient ainsi convertible en une quantité fixe de métal précieux. Si la Banque fédérale américaine détermine qu’une once d’or vaut 1 000 dollars par exemple, chaque dollar « pèse » littéralement un millième d’once.
Ce système suppose que le stock d’or du pays détermine la masse monétaire en circulation. Il s’agit de mettre en place un environnement monétaire stable, qui n’est pas soumis à l’inflation ou à la déflation.
Première Guerre mondiale et crise de 1929 : pourquoi l’étalon-or n’a pas résisté
La Grande-Bretagne a été parmi les premières grandes puissances à assurer une convertibilité de sa monnaie en or (à partir de 1717 !). Le système a permis de donner une réputation de stabilité à la livre sterling. En France, le même principe a permis d’asseoir la réputation du franc, dans le système monétaire mis en place par Napoléon.
Mais l’étalon-or a aussi été critiqué pour sa rigidité et sa capacité limitée à répondre aux fluctuations économiques. Pour bien fonctionner, il nécessite à la fois une libre circulation des capitaux et une stricte discipline de la couverture-or. La Première Guerre mondiale et la crise de 1929 ont mis à mal cet équilibre : en 1931, c’est la fin de l’étalon-or en Europe.
Les accords de Bretton Woods : quand l’or était corrélé au dollar
À partir de 1944 et jusqu’en 1971, les accords de Bretton Woods établissent la convertibilité du seul dollar en or. Plus que l’étalon-or, il s’agit alors d’un système d’étalon-change-or. Une once d’or vaut 35 dollars, quand le taux fixé par le Gold Standard Act de 1900 fixait la valeur de l’once d’or à 20,67 dollars.
A la mi-août 1971, Nixon met fin brutalement à la convertibilité or/dollar. En effet, de plus en plus de pays dont l’Angleterre utilisaient cette possibilité pour transformer leurs dollars en or sonnant et trébuchant.
A voir : l’or pendant la guerre froide
Une interview de Arnaud Manas dirige le service du Patrimoine et des Archives de la Banque de France.
Un retour à l’étalon-or est-il possible ?
Les partisans d’un retour à l’étalon-or mettent en avant la stabilité d’un tel système. Il aurait pourtant aussi des conséquences importantes sur l’équilibre économique du pays.
Revenir à l’étalon-or : quels avantages et quels inconvénients ?
Des points forts
- Ce système permet de maîtriser l’inflation et évite la planche à billets. La quantité de monnaie en circulation est uniquement déterminée par l’or détenu par les banques centrales.
- L’étalon-or limite les dépenses publiques aux seules recettes fiscales : pour financer un déficit, il faut plus d’or.
Mais des limites
Le retour à un étalon-or est lié aux réserves d’or d’un pays, et tous ne disposent pas des mêmes stocks. James Rickards, économiste et auteur du livre « Un nouveau plaidoyer pour l’or », le disait en 2017 dans une interview accordée pendant la rencontre annuelled’AuCoffre.com : « toute monnaie peut adopter son propre étalon à condition que le pays détienne suffisamment d’or. C’est toute la question : avez-vous suffisamment d’or pour faire face au marché ? ».
- Pour accompagner la croissance, il faut accroître la quantité de monnaie en circulation : ce n’est pas possible si les réserves d’or n’augmentent pas. L’étalon-or peut étouffer la croissance.
- L’augmentation des réserves est très limitée par les possibilités d’extraction : or, les stocks sont désormais limités.
Quelles seraient les conséquences d’un retour à un étalon-or ?
L’autre question qui se pose est celle du « juste prix » de l’or. « S’il est trop bas, tout le monde va venir vous acheter votre or. C’est ce qu’il s’est passé aux Etats-Unis au début des années 70, et qui a notamment conduit à la fin de la convertibilité dollar-or », souligne James Rickards. Dans le système de Bretton Woods, l’once d’or valait 35 dollars. Le cours de l’once d’or dépasse aujourd’hui 2 000 dollars.
Il faudrait aussi que les pays disposent de suffisamment d’or pour couvrir la masse monétaire existante… ce qui n’est pas possible. L’économie doit alors pouvoir absorber une contraction de sa masse monétaire. Cela implique une déflation (baisse des prix et des salaires) et des conséquences importantes sur l’activité économique (liquidations, hausse du chômage…).
Le même mécanisme de déflation joue aussi lorsque le pays fait face à un déficit ou une crise. C’est ce que la Banque de France qualifie de « biais déflationniste », dans une étude publiée en 2010 : « il y aurait en permanence une pression à la baisse du niveau général des prix ».
Les États-Unis ne sont pas les seuls à disposer d’un stock d’or important. D’autres pays se tournent aussi vers l’or… pour réduire leur dépendance au dollar. La Chine et la Russie, notamment, sont au cœur d’un nouveau bouleversement monétaire avec la création d’une monnaie commune assise sur les réserves d’or des BRICS : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Plutôt que de parler d’étalon-or, pourquoi ne pas parler de référence-or