Les marchés financiers sont au cœur de l’économie mondiale. Depuis leurs débuts modestes dans les villes commerçantes italiennes jusqu’à leur forme actuelle, ils sont le produit d’une longue histoire qui remonte au Moyen-Âge.
Ce qu’il faut retenir :
- Les premières bourses de valeurs remontent à la fin du Moyen-Âge, lorsque les marchands vénitiens ont commencé à lever des fonds pour financer leurs entreprises commerciales ;
- La gestion du l’incertitude, donc du risque, est la raison d’être des marchés financiers ;
- Avec l’accroissement du rôle du secteur financier et de la finance par rapport à l’économie réelle, l’or, actif tangible par excellence, est loin d’être surévalué.
Mais avant de parler marchés financiers, il faut revenir à leur source : le marché.
1) Qu’est-ce qu’un marché ?
« Aller, on se tape dans la main, marché conclus ! » Un marché (un deal, en anglais), c’est d’abord un contrat passé entre deux parties. Ce contrat peut porter sur une multitude de choses : une transaction (achat-vente), une location de biens, services ou capitaux.
Par extension, un marché est aussi le lieu de rencontre entre l’offre et la demande de biens, services ou capitaux. Ce lieu peut être tout ce qu’il y a de plus concret (le marché aux fruits et légumes) ou au contraire beaucoup plus abstrait (les marchés financiers).
Autrement dit, la condition indispensable à la formation d’un marché n’est pas tant la liberté commerciale (puisqu’il y aura toujours des marchés noirs) que la participation de plusieurs vendeurs et acheteurs, soit autant d’entités aux opinions ou aux intérêts divergents.
C’est ainsi que le marché se distingue de la foule, comme l’a formulé l’entrepreneur et investisseur indo-américain Naval Ravikant :
2) Qu’est-ce que les marchés financiers, et quand ont-ils été créés ?
Il s’agit du type de marchés sur lesquels des entités (personnes physiques, sociétés privées ou institutions publiques) négocient des titres financiers à des prix qui reflétant les préférences de l’offre et la demande à un instant donné.
Petite histoire des bourses de valeurs
Les premières bourses de valeurs remontent à la fin du Moyen-Âge, lorsque les marchands vénitiens ont commencé à négocier des actions et des obligations afin de lever des fonds pour financer leurs entreprises commerciales. L’historien Fernand Braudel a montré que le quartier du Rialto était proche d’une vraie bourse des valeurs. Au-delà des seules obligations qui étaient très largement majoritaires, les marchands du monde entier y échangeaient déjà des participations dans les galères vénitiennes, au travers d’enchères.
C’est cependant à Bruges, précieux partenaire financier de Venise, que la première bourse moderne a été créée au XIIIe siècle. Les marchands étrangers se réunissaient devant l’hôtel de la famille Van der Buerse pour échanger des monnaies et fixer les prix futurs des marchandises. Ces marchands, regroupés en associations appelées « nations », louaient des bâtiments sur la place Ter Buerse. Les nations les plus importantes étaient celles des Espagnols, des Italiens, des Anglais, des Allemands et des Orientaux. Il s’agissait d’anticiper l’évolution de l’offre et de la demande aux quatre coins du monde connu, ce qui amenait les marchands à échanger les monnaies de toute l’Europe et à fixer les prix futurs des marchandises.
Au XVIIᵉ siècle, grâce à l’afflux de réfugiés protestants ayant immigré avec leur or et leur savoir-faire, Amsterdam est devenue la capitale mondiale de l’imprimerie, de la finance et de la navigation. Ces immigrés y ont développé un marché financier sophistiqué avec des options et des paiements à terme.
La Bourse d’Amsterdam, fondée en 1602, voit la célèbre Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Verenigde Oost-Indische Compagnie – VOC) s’y financer par actions et obligations. Dotée par les Provinces-Unies du monopole du commerce avec les Indes orientales (c’est-à-dire l’Asie et l’océan Indien), elle est alors l’une des entreprises capitalistes les plus puissantes ayant jamais existé. En tant que société anonyme émettant des actions et obligations, et multinationale implantée dans plusieurs pays du monde, elle contribue de façon décisive à l’essor des bourses de valeurs.
Puis les marchés financiers ont continué de se développer en Angleterre, où la Banque d’Angleterre fut créée en 1694 et la Bourse de Londres en 1801, et aux États-Unis, où le premier marché boursier fut créé à Philadelphie en 1790.
3) Quel a été le rôle historique des marchés financiers ?
Ainsi, dès leur origine, les marchés financiers ont permis de fluidifier les échanges commerciaux, puis le financement des entreprises, donc de l’économie.
Au XIXᵉ siècle par exemple, les marchés financiers ont connu une expansion rapide grâce à la révolution industrielle et à l’expansion coloniale européenne. Nécessitaient d’énormes investissements en capital, les chemins de fer ont, eux aussi, joué un rôle important dans le développement des marchés financiers.
Ceci dit, les marchés financiers contemporains n’ont plus grand-chose à voir avec les places boursières que nous venons d’évoquer…
4) Quelle réalité les marchés financiers recouvrent-ils, aujourd’hui ?
Vous vous souvenez de cette phrase célèbre du général de Gaulle : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », prononcée à l’occasion d’une conférence de presse donnée au palais de l’Élysée le 28 octobre 1966. La « corbeille » dont il est ici question, c’est l’espace délimité par une balustrade et destiné aux agents de change, telle qu’il existait alors à la Bourse de Paris.
Mais la corbeille et le marché « à la criée », c’est fini ! Non seulement la corbeille a-t-elle disparu en juillet 1987, à la suite de travaux de rénovation, mais tous les ordres de bourse sont désormais dématérialisés. Les échanges se déroulent d’ordinateur à ordinateur, sur internet.
En France, par exemple, les transactions sur actions ont été dématérialisées en 1987, et le dernier marché à avoir quitté le Palais Brongniart a été celui de l’or en 2004. Les serveurs de données d’Euronext (l’entreprise assurant l’organisation et la gestion du marché, héritière de la Société des Bourses Françaises) ne se situent même plus à Paris ! Depuis juin 2022, ils se trouvent à Bergame, en Italie.
5) Quelles fonctions les marchés financiers assurent-ils, aujourd’hui ?
Les marchés financiers facilitent les interactions entre 3 types d’intervenants :
- Les institutions financières (banques centrales, banques d’investissement, sociétés de gestion d’actifs, investisseurs institutionnels, assureurs…) ;
- Les sociétés ;
- Les particuliers.
Si les marchés financiers se sont énormément sophistiqués depuis leur émergence à Venise, les rôles qu’ils remplissent restent grosso modo les mêmes.
- Au travers du processus de cotation : les marchés facilitent l’établissement de valeurs et de taux ;
- Sur les marchés de capitaux (actions et obligations) : les marchés assurent la collecte de l’épargne et l’investissement de cette épargne pour assurer le financement de ceux qui en ont besoin, et la meilleure allocation possible du capital, à la base de la croissance économique ;
- Les marchés des changes (ou FOREX) facilitent le commerce international ;
- Les marchés monétaires permettent les transferts de liquidités ;
- Les marchés de produits dérivés rendent possible le transfert des risques ;
- Les marchés de la dette monétaire et obligataire sont deux canaux privilégiés de la politique monétaire étatique ;
- Naturellement, les marchés financiers offrent un terrain de jeu privilégié aux spéculateurs. Comme l’expliquait Michel Prieur, il n’y rien de mal à cela : « Spéculer, de speculos, miroir, c’est se mettre à la place d’autrui pour imaginer ce qu’il va faire, ce qu’il va désirer, ce dont il va avoir besoin… et acheter ou vendre en conséquence ».
Ainsi, comme le souligne Bernard Guerrien dans son Dictionnaire d’analyse économique, la plupart de ces fonctions ont une vertu commune : elles font « jouer un rôle central à l’incertitude, concernant l’avenir des techniques ou de la demande […], les divers états de la nature possibles […], tout cela plus “ce que feront les autres” […]. L’incertitude est pratiquement la raison d’être de ces marchés. Cette incertitude peut être de deux ordres : exogène, c’est-à-dire produite par des évènements indépendants des choix des investisseurs, et endogène, du fait que le résultat des décisions de chacun dépend de celles des autres ».
6) Quels sont les plus grands marchés financiers ?
Si l’on réfléchit par catégorie d’actifs, le graphique ci-dessous suffit à vous donner une idée de la réponse à cette question.
Au sein des marchés financiers, le marché obligataire est donc un mastodonte. Pour reprendre une formule de Simone Wapler, « Les marchés actions ne sont que la queue du chien. L’important se passe sur les marchés obligataires. »
Beaucoup plus sexy médiatiquement, ce sont cependant les marchés actions qui concentrent l’attention du grand public.
7) Quelles sont les plus grandes bourses d’actions au monde ?
Voici la réponse en graphique :
Les marchés boursiers américains ont ainsi continuellement été les plus importants au monde au cours des 50 dernières années, et leur part n’a cessé d’augmenter à la suite de la Crise financière mondiale de 2007-2008. Ils représentent aujourd’hui environ 45 % du marché mondial des actions, contre environ 30 % en 2009.
Voici à présent une représentation géographique de la capitalisation des marchés actions dans le monde.
Pourquoi les marchés actions américains dominent-ils le reste du monde ?
En particulier parce que l’économie américaine est la plus innovante au monde.
8) Qu’est-ce que la financiarisation de l’économie ?
La financiarisation désigne l’accroissement du rôle du secteur financier et de la finance par rapport à l’économie dite réelle (c’est-à-dire l’économie totale retranchée de la finance) au sein d’un système économique [1].
En 2021, la valeur de marché des actifs réels par rapport aux actifs financiers était au plus bas depuis 1925, selon Bank of America. En 2024, ce grand écart s’est encore accentué.
Ce constat illustre que l’or physique, actif tangible par excellence, est loin d’être surévalué, et qu’il a sa place dans chaque portefeuille financier.
[1] Bruno Bertez y voit « une conséquence des contradictions internes du capitalisme. Le capital s’accumule et, s’il n’est pas détruit au fur et à mesure de son accumulation par les crises périodiques de nettoyage, il se suraccumule.
La financiarisation a été un moyen pour le capitalisme de s’envoyer en l’air, de se faire jouir fictivement. Au-delà de sa vulgarité, cette expression est juste : le capitalisme s’est envolé dans l’imaginaire, dans le monde des signes, des ombres, afin de dépasser – faussement, pas réellement – ses difficultés. Pas assez de ressources pour faire vivre et reproduire le système, donc on invente des ressources fictives, ou des promesses de ressources, ou des illusions de ressources. La financiarisation est un moyen de dépasser dans l’imaginaire la rareté, et d’échapper à la loi de la Valeur. […]
C’est l’aspect Faustien : on peut détacher les ombres des corps, on peut disjoindre les signes qui expriment le réel du réel lui-même, c’est-à-dire créer un imaginaire qui peu à peu s’autonomise et a ses règles propres. »
Ainsi, « La financiarisation est un symptôme de la crise de nos systèmes, [une béquille du Capital,] ce n’est pas la cause », poursuit l’ancien patron de presse.
Je partage ce point de vue, à la nuance près que je parlerais de « capitalisme de connivence » plutôt que de « capitalisme ».