De nombreux Français sont convaincus de bénéficier du meilleur système de retraite au monde. Est-ce vraiment le cas ?
Ce qu’il faut retenir :
- Les meilleurs systèmes de retraite sont ceux des Pays-Bas, de l’Islande, du Danemark et d’Israël ;
- La France dispose d’un système de retraite médiocre en comparaison des autres pays développés, et même de certains pays en développements ;
- Avec notre retraite par répartition, 1 € cotisé donne droit à 1,93 € de pension 40 ans plus tard, contre 21,90 € pour un système par capitalisation (sur la base d’un portefeuille 50% actions / 50% obligations). Tel est le coût du collectivisme en matière de retraite.
Qu’est-ce que la retraite, et la pension de retraite ?
La retraite est la période qui s’étend de la cessation d’une activité professionnelle à la mort du retraité. Un retraité ne générant plus de revenus par son travail, celui-ci doit avoir prévu une autre solution lui permettant de continuer à financer son train de vie. Cette solution, si elle a été organisée avec un État ou avec un assureur, c’est la pension de retraite. Elle prend la forme d’une rente viagère, qui s’éteint à la mort du retraité, ou se transmet en partie à son conjoint par réversion.
Comment sont nés les systèmes de retraite ?
Les premiers systèmes de retraite remontent à l’Antiquité. Ils ont été mis en place par l’armée romaine de la République pour la retraite des légionnaires vétérans ayant servi un certain nombre d’années.
Au Moyen Âge, les abbayes bénédictines ont reproduit ce système pour leurs serviteurs laïques. Ce système s’est progressivement étendu à certaines confréries (religieux, militaires, artisans).
En France, ce sont les marins qui ont été la première profession à obtenir pension de retraite. Pour motiver et fidéliser une population qui provenait des campagnes, Colbert, alors Secrétariat d’État de la Marine de Louis XIV, a créé en 1673 la Caisse des invalides de la marine, qui a d’ailleurs été la première retraite par répartition au monde.
Puis ce système s’est étendu aux militaires gradés, à l’administration royale, etc. si bien que sous l’Ancien Régime, environ 60 000 pensionnaires recevaient une rente de la part du roi.
À l’époque, le Tiers état n’avait pas « besoin » de pension de retraite, puisque l’essentiel de la population était paysanne, et vivait en famille sur sa ferme.
Puis, au XIXe siècle, la Révolution industrielle a requis de vastes migrations de populations depuis les campagnes vers les villes. Cette atomisation de la société a généré la nécessité de pensions de retraites pour les ouvriers, afin d’attirer la population dans les villes.
C’est ainsi que les systèmes de retraite étatiques généralisés à tous les travailleurs ont vu leur avènement sous l’Allemagne de Bismarck, pour se généraliser au XXe siècle. Comme le rappelle l’historien Fabrice d’Almeida, « Avant de faire voter cette loi, le 22 juillet 1889, Bismarck avait demandé à ses services à quel âge il faudrait fixer la retraite pour être sûr de ne pas avoir à la payer. On lui avait répondu 65 ans, le chancelier avait donc fixé l’âge de la retraite à 70 ans ! Les caisses ne seraient pas déficitaires. »
Ainsi, dès ses racines, la retraite, qu’elle ait été conçue par l’État ou par les syndicats patronaux, a été pensée comme un produit de fidélisation de la main d’œuvre.
Quels sont les différents systèmes de retraite, aujourd’hui ?
Chaque système de retraite fait l’objet de ses spécificités, mixant contraintes règlementaires (l’État impose des règles) et décisions personnelles (le futur retraité fait ses propres choix d’épargne).
On distingue cependant grosso modo entre 3 systèmes :
- Retraite par prestations définies ou cotisations définies ;
- Retraite par répartition ;
- Retraite par capitalisation.
En pratique, les systèmes de retraite sont la plupart du temps une combinaison plus ou moins heureuse de ces 3 formules.
La retraite par prestations définies ou cotisations définies
Le principe de base est qu’on sait ce qu’on paye, mais on n’a aucune idée de ce que l’on touchera.
Ici, le montant de cotisation est en effet déterminé par certaines règles, assorties de leur légion de seuils, plafonds, progressivité ou dégressivité et autres bonus, par exemple en fonction du pourcentage du revenu, ou du montant de cotisation choisi librement par le cotisant.
À combien se montera la pension de retraite ? Ce sera la surprise ! Son montant n’est pas garanti. Il sera constaté au moment de leur encaissement.
Ce qu’on cumule ici, ce sont des droits, qui peuvent prendre la forme de points de retraite.
La traduction de ces droits en argent sonnant et trébuchant sera fonction d’une batterie de critères financiers et démographiques :
- Rendement des cotisations ;
- Nombre de pensionnés ;
- Durée de vie, etc.
Il s’agit donc d’un système risqué, le montant des pensions étant susceptible de diminuer dans le temps. Rien n’interdit même que le gestionnaire des cotisations fasse faillite.
La retraite par répartition
Le principe de base est celui de la solidarité contrainte entre les pensionnés et les actifs.
Ici, ceux qui sont en âge de travailler financent, par leurs cotisations, les pensions servies aux retraités, et il en sera de même lorsque les actifs seront à leur tour à la retraite.
Enfin si tout se passe bien, puisqu’il s’agit d’un gigantesque système pyramidal qu’il faut en permanence nourrir de nouveaux entrants, afin de soutenir un édifice dont la partie haute se fait de plus en plus imposante, du fait de l’allongement de la durée de vie.
Dans ce genre de système, la proposition : « j’ai cotisé pour ma retraite » est un oxymore. C’est pour payer la retraite de ses parents et grands-parents que l’on cotise, pas pour la sienne. Tout au plus peut-on acquérir des points en cas de système par répartition par prestations définies ou cotisations définies.
Dans la plupart des cas, c’est l’État qui gère ce type de système collectiviste dans le cadre duquel les cotisants n’ont pas leur mot à dire : ils doivent être solidaires.
Cette solidarité forcée s’oppose à la solidarité volontaire, choisie, qui s’exerce :
- Soit au travers du système assuranciel privé ;
- Soit par charité.
Et comme c’est l’État qui est aux manettes, la performance financière des cotisations est bien entendu déplorable, le capital étant essentiellement placé sur de la dette étatique, comme je vais vous le montrer un peu plus loin.
La retraite par capitalisation
Le principe de base est celui de la liberté.
Ici, chaque cotisant épargne en vue de sa propre retraite, et les retraités perçoivent une pension qui est fonction du capital qu’ils ont accumulé au cours de leur carrière.
Il s’agit donc d’un système individualiste d’essence libérale car fondé sur l’épargne personnelle même si, en pratique, l’État peut imposer un certain niveau de cotisation obligatoire.
Cette épargne peut être gérée individuellement, ou dans un cadre collectif assurantiel. Le cotisant a la main sur l’allocation d’actifs issue de ses cotisations (qu’il peut par exemple placer en actions, en obligations, etc.), même si l’État peut imposer une liste de produits éligibles.
Dans quelle mesure la retraite par répartition appauvrit-elle les retraités français ?
Un avantage majeur de ce type de système sur le système par répartition est qu’il aboutit à une pension moyenne beaucoup plus élevée.
Vous pensez que j’exagère ? Alors accrochez-vous bien à votre table avant de lire ce qui va suivre.
En janvier 2020, Natixis a publié un Flash Économie dans lequel Patrick Artus a la question suivante :
Voici les résultats :
« Les retraites en France sont gérées presque entièrement en répartition.
Le rendement de la répartition dépend de la croissance.
De 1982 à [fin 2019], le rendement réel de la répartition a alors été en moyenne de 1.8 % par an.
Si les retraites en France avaient été gérées en capitalisation, l’épargne des Français aurait été placée dans des fonds de pension investis en actions et en obligations. De 1982 à [fin 2019], le rendement réel (corrigé de l’inflation) d’un portefeuille d’actions a été de 11.4 % par an, celui d’un portefeuille d’obligations de 6.1 % par an.
1 euro de 2019 de cotisation au système de retraite en 1982 en France, correspond donc aujourd’hui à une richesse de retraite, toujours en euros de 2019, de :
- 1,93 euro en répartition ;
- 21,90 euros en capitalisation, en supposant un investissement moitié en obligations, moitié en actions. »
Conclusion : si le régime de retraite français n’était pas collectiviste, là où vous touchez/allez toucher 1 € de pension de retraite, vous en toucheriez 11.
Tel est le coût, au niveau de la retraite, de 40 ans de socialisme.
Quels pays ont les meilleurs systèmes de retraite ?
Si vous pensez que la France figure sur le podium, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : notre système, que « tout le monde nous envie »… sans jamais le reproduire, ne figure pas en haut du tableau. Mais alors pas du tout.
Les résultats du classement selon le rapport Mercer/CFA Institute
Dans l’édition 2023 du rapport mondial sur les retraites établi chaque année par Mercer [1] et le CFA Institute [2], par exemple, la France arrive en 25ème place sur 47 participants.
Comme l’indique euronews, « Les mesures les plus pertinentes utilisées sont le niveau des prestations de retraite disponibles dans les secteurs privé et public, la viabilité du système pour les décennies à venir et la qualité de sa gouvernance. »
Ce résultat positionne notre système en milieu de tableau, entre la Croatie et la Colombie.
Les pays les mieux notés sont donc :
- Les Pays-Bas ;
- L’Islande ;
- Le Danemark ;
- Et Israël.
Nos voisins suisses figurent en 11ème place, loin devant nous.
Comment la retraite fonctionne-t-elle en France ?
Voici comment les auteurs du rapport décrivent notre système de retraite, qui figure donc très en-dessous des standards européens :
« Le système de retraite français se compose d’une pension publique liée à la rémunération dotée d’un niveau de pension minimum, et d’un régime de retraite complémentaire pour les pour les salariés du secteur privé (AGIRC-ARRCO). La France dispose également de régimes professionnels facultatifs.
La note globale du système français pourrait être améliorée :
- En augmentant le niveau des cotisations par capitalisation, ce qui augmenterait le niveau des actifs au fil du temps ;
- En augmentant le taux de participation des actifs au travers du recul de l’âge de départ en retraite, à mesure que l’espérance de vie augmente.
- En améliorant les exigences réglementaires relatives au système de retraite privé. »
À titre personnel, je partage la première recommandation, mais pas la seconde. Il me semble en effet que l’État devrait faire en sorte que chacun puisse prendre sa retraite quand il le souhaite, le montant de sa pension s’adaptant en fonction.
Conclusion
Pour ce qui est de la France, compte tenu de nos perspectives en matière de démographie et de croissance économique, nul besoin d’avoir une boule de cristal pour savoir ce qui nous attend : au plus nous attendrons pour réformer notre système de retraite de fond en comble, en y introduisant une dose massive de capitalisation, au plus la pilule sera amère.
[1] Fondé en 1945 et basé à New York, Mercer est le plus grand cabinet de conseil en ressources humaines au monde.
[2] Le CFA Institute est l’organisme américain à l’origine de la certification professionnelle Chartered Financial Analyst (CFA) des professionnels de l’investissement et de la finance.