Dans le monde occidental, les préoccupations écologiques ne sont plus une simple lame de fond. En Europe, elles sont même devenues, depuis 2018, un puissant mouvement qui commence à modifier en profondeur notre rapport au monde… Et la tendance n’est pas prête à s’inverser : le marché mondial des obligations durables a augmenté de +989% en 2021.
Qu’on soit pour ou contre ce mouvement, l’investisseur en or physique doit faire preuve de pragmatisme et comprendre les implications de cette tendance sur ses investissements.
Pour ce faire, il est fondamental qu’il comprenne comment l’industrie aurifère produit communément de l’or, mais aussi pourquoi la remise en cause de cette manière de produire risque d’avoir à terme des effets sur les prix de ses métaux précieux.
Comment l’or est-il extrait ? Quelles sont les conséquences environnementales ? Est-il possible d’extraire de l’or plus proprement sans affecter les rendements ? Qu’en conclure sur les prix ? Voici nos réponses !
Comment l’or est-il extrait ?
L’or n’est pas un métal précieux particulièrement facile à extraire. Il est même assez compliqué d’aller le chercher dans la roche qui l’abrite. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les grandes puissances mondiales détiennent les plus importants stocks d’or de la planète !
Aujourd’hui, la plupart des mines d’or en activité sont d’énormes mines à ciel ouvert.
Globalement, voici les étapes d’extraction du métal jaune :
- Utilisation d’explosifs pour casser la roche.
- Broyage de la roche.
- Dépôt de la roche sur des bâches puis cyanuration.
- Récolte de l’or.
En moyenne, il faut compter une tonne de roche pour 1 à 2 grammes d’or extrait(s), ce qui rend l’opération particulièrement fastidieuse, et dans certains cas difficile à rentabiliser. À titre indicatif, il faut donc excaver en moyenne 20 tonnes de roche pour obtenir l’équivalent d’une alliance en or (ou 1 000 à 2 000 tonnes pour un lingot de 1 kg) !
Pourquoi utilise-t-on du cyanure dans l’extraction de l’or ?
Le modèle classique de l’extraction de l’or sous-entend l’utilisation d’un procédé très connu : la cyanuration. Elle est utilisée pour séparer plus facilement l’or des différents minéraux sans valeur qui l’accompagnent.
Le cyanure – bien que potentiellement dangereux pour l’environnement s’il est mal manipulé – fait donc partie des différents produits chimiques couramment utilisés pour extraire l’or.
Il est possible de l’utiliser de deux manières différentes :
- Lixiviation en tas (à ciel ouvert) : on répand une solution de cyanure directement sur la roche. Elle coule vers un point de collecte, avec à son bord de l’or dissout.
- Lixiviation en cuves agitées : même fonctionnement que pour la lixiviation en tas, sauf que l’opération est réalisée dans un environnement clos.
Grâce à l’utilisation de ce procédé, il serait possible de récupérer jusqu’à 95% de l’or présent dans une zone traitée ! Aussi, 80% de l’or récolté dans le monde le serait aujourd’hui grâce à la cyanuration.
Dans certains cas, l’utilisation du cyanure est couplée avec celle du mercure ou d’autres métaux comme l’arsenic, le plomb ou le cadmium.
Mais elle est heureusement proscrite dans la plupart des pays. Néanmoins, le mercure est encore beaucoup utilisé dans le monde de l’exploitation aurifère illégale, qui représente malheureusement encore plus de 30% de la production mondiale d’or !
Les conséquences de l’extraction de l’or sur les écosystèmes
Il ne faut pas se leurrer : les conséquences de l’extraction de l’or sur les écosystèmes peuvent s’avérer catastrophiques, notamment quand certaines précautions ne sont pas prises.
À l’issue de la cyanuration, la roche traitée émet des substances (acide sulfurique) pendant des décennies. Bien que biodégradables, ces acidités peuvent s’infiltrer dans les sous-sol et menacer durablement l’intégrité des nappes phréatiques, de la forêt et de la biodiversité avoisinante.
D’autre part, des bassins (recouverts par un film protecteur étanche et protégés par des digues) permettent de stocker les eaux usées très toxiques dont les vapeurs peuvent avoir des effets dramatiques sur les hommes et les animaux qui les inhalent. En cas de catastrophe naturelle (une très forte pluie peut suffire), ces bassins – même s’ils sont éphémères et fortement surveillés – peuvent ainsi devenir de véritables bombes pour l’écosystème local.
Il faut également savoir que l’extraction aurifère demande une utilisation d’eau considérable. En moyenne, 140 000 litres d’eau/heure sont nécessaires dans une mine (à peu près la consommation annuelle en eau d’un ménage de 4 personnes en France).
En dépit des précautions prises par la plupart des acteurs de l’industrie, les conséquences environnementales de l’extraction de l’or restent donc préoccupantes.
On estime par ailleurs que l’extraction de l’or est responsable de l’utilisation de 182 000 tonnes de cyanure par an.
Extraction de l’or propre : est-ce possible ?
Si l’utilisation de cyanure pour extraire l’or est une solution encore fortement plébiscitée par les grands industriels du monde aurifère, existe-t-il une solution pour extraire l’or plus proprement ?
À cette question, la réponse est assez simple : il est tout à fait possible de réduire l’impact environnemental de l’extraction minière d’or, mais pas de l’annuler. Cela reste toutefois très coûteux, en plus de réduire l’efficacité de l’extraction.
L’utilisation de la force centrifuge, la séparation par gravité ou encore la flottation, par exemple, font partie de ces méthodes moins polluantes, mais difficiles à mettre en place dans un contexte industriel.
En théorie, il est donc possible d’extraire l’or en privilégiant des méthodes plus douces.
Mais l’extraction d’or à base de cyanure demeure encore la solution la plus efficace, la moins coûteuse et la plus simple pour l’industrie…
Pour ne pas noircir le tableau inutilement et pour pondérer le propos, rappelons quand même que l’extraction aurifère est soumise à d’importantes normes de sécurité qui limitent (mais n’empêchent pas) l’impact environnemental qu’elle génère.
Le modèle actuel de l’extraction de l’or est-il durable ?
L’industrie aurifère tente tant bien que mal de limiter son impact environnemental en respectant d’importants critères établis par le législateur. Mais le modèle actuel de l’extraction conventionnelle de l’or ne peut en aucun cas être considéré comme “durable” selon l’acception traditionnelle.
Pour l’investisseur en or physique, cela risque d’avoir de nombreuses répercussions dont il faut avoir conscience.
Bien qu’essayant de tout faire pour respecter d’importantes normes de sécurité et de protection environnementale, les grandes sociétés minières pourraient se voir imposer au fil des années un renforcement de la réglementation environnementale.
Par conséquent, cela risque de générer une pression importante sur le rendement de leur production et de remettre en question le renouvellement de leurs gisements (en plus de la difficulté purement physique à les renouveler). Enfin, c’est plus globalement tout leur business model qui pourrait sérieusement être questionné.
Dans un tel contexte, couplé à celui d’une crise monétaire larvée, l’or physique a donc des chances de subir un double effet :
- Une réduction de l’offre aurifère due aux réglementations accrues qui pourraient mettre en tension les coûts d’extraction pour une once d’or (et donc le niveau de la production) et remettre en question l’existence de l’industrie de l’extraction aurifère ; limites purement physiques (pénurie naturelle).
- Une augmentation de la demande due aux incertitudes monétaires durables.
Un double effet qui, côté investisseurs, pourrait donc à terme s’avérer particulièrement positif pour l’orientation future des prix de l’or physique.